Concours de plaidoirie

Ce vendredi 11 mars, les élèves de 5ème générale participaient à la 2ème édition du concours de plaidoirie de la Ligue de l'Enseignement et de l'Education permanente de Charleroi à la bibliothèque de l'UT. Le thème: "L'Europe face aux migrants"...

Pas de podium cette année - malgré une prestation plus que convaincante de Claire, idéalement secondée par Mélina - mais le sentiment d'avoir défendu avec honneur les valeurs d'ouverture et de multiculturalité chères à notre établissement! Félicitations aux "plaideuses" ainsi qu'aux autres élèves impliqués dans la rédaction du texte!

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"L'Europe face aux migrants"

 

 

Châtelet, 4 septembre 2015, c'est la rentrée des classes. Petit déjeuner, une douche et en avant: une nouvelle année scolaire commence...

et je me dis que j'ai de la chance:

Ici, la vie, paisiblement s'écoule

mais qu'en est-il à Kaboul? À Madaya? À Homs?

A chaque J.T., un nouvel échantillon de la folie des hommes,

notre dose d'atrocité filmée par téléphone... Et ça m'écœure et ce qui est encore pire,

c'est notre apathie quand il faut réagir!

Ils se pressent à nos frontières: un flux d'enfants, de femmes, d'hommes, de misère. Ils fuient l'oppression, la terreur et la guerre.

Ils font ce que tout homme sensé ferait, en somme.

Ma plaidoirie s'intitule; "Refugees, welcome!"

 

Il est écrit dans les traités que l'Europe prône la solidarité, accorde l'asile à ceux qui subissent l'oppression, qu'elle se donne pour mission de favoriser la diversité culturelle et l'intégration ...

Mais qu'en est-il de ces beaux serments à l'heure où la Hongrie autorise l'armée à tirer à balles réelles sur les migrants? Qu'en est-il de de ces belles déclarations quand le Danemark se propose de confisquer les valeurs de ces nouveaux arrivants? Qu'en est-il de notre considération, de notre solidarité quand en Allemagne, en Hollande, ceux qui demandent l'asile sont reçus avec des slogans hostiles?

Où est-elle notre Europe? Où sont passées nos valeurs?

Nous qui condamnons les manquements aux droits de l'homme lorsqu'ils se manifestent ailleurs, soyons honnêtes et reconnaissons nos erreurs. Que la fraternité ne soit pas qu'un simple concept, qu'une simple déclaration d'intention, mais bien un engagement véritable en faveur de ces populations.

Que craignons-nous? Entendrons-nous leurs suppliques? Ou nous contenterons nous de céder à la tentation des stéréotypes pour justifier nos exactions?

 

Car nous les entendons, ces gens si dignes qui s'empressent de déclarer: "je ne suis pas raciste mais quand-même..." et de poursuivre avec ces sempiternels clichés.

Je les entends d'ici, ces cyniques des extrêmes, ces "bas du front" osant encore arborer la svastika:

"Vous, les philanthropes, les doux rêveurs, cessez de rêver. Ce qu'il faut rétablir en Europe, c'est l'ordre, la pureté et la sécurité... Ne voyez-vous pas que ce qui se trouve à nos portes, c'est l'étranger!"

Tsss... Avons-nous oublié notre histoire? Notre passé? Avons-nous oublié ce que ça a donné?

Non, moi je dis: cette terre est la terre de tous les hommes. A bas l'extrémisme, plus jamais de pogrom! L'option de l'accueil: cette option est la bonne!

Car il est cent fois préférable, ce rêve d'humanisme, au cauchemar que se lève à nouveau le fascisme!

 

Mais penchons-nous encore sur ces clichés si souvent rabâchés...

C'est sûr, ils viennent pour toucher nos allocations et prendre notre travail!

C'est sûr, on va être envahis par des hordes de criminels et de terroristes!

C'est sûr, c'est triste, mais que puis-je y faire?

C'est sûr, c'est sûr...

Enfin, vraiment si sûr?

On le sait, ces clichés ont la peau dure.

C'est pourquoi il est important de les identifier, de les comprendre pour que l'esprit de solidarité perdure.

 

NON, les migrants ne viennent pas pour toucher nos allocations et pour prendre notre travail. En séjour irrégulier, c'est à dire sans papiers, ils ont juste droit à une aide médicale urgente. Et lorsqu'ils obtiennent enfin le statut de réfugiés, ils n'ont droit qu'à une aide matérielle. Pas même d'accès légal au marché du travail! Il est temps qu'on se réveille, qu'on prenne conscience des failles. Ces migrants, encore trop régulièrement victimes de discrimination ou d'exploitation représentent pourtant des rouages très importants dans nos sociétés, ils injectent de l'argent dans notre économie et pallient le vieillissement de notre population.

 

NON, nous ne serons pas envahis par des criminels et des terroristes! Hommes, femmes et enfants quittent des pays en guerre. Qui peut les blâmer de partir à la recherche d'un refuge, d'un hâvre de paix? Mais même lorsqu'ils atteignent enfin l'Eldorado, ce qui les attend n'est pas forcément beau: amalgames douteux et stupides préjugés... comme si leur vie n'était pas déjà bien assez compliquée.

 

Quant au quidam qui déclare "de toute façon, que puis-je y faire?" Je lui dirai simplement: ces hommes sont nos frères!

Feu Stéphane Hessel déclarait:

La pire des attitudes est l'indifférence, dire "je n'y peux rien, je me débrouille". En vous comportant ainsi, vous perdez l'une des composantes essentielles qui fait l'humanité. Une des composantes indispensables: la faculté d'indignation et l'engagement qui en est la conséquence.

 

S'informer, réfléchir, agir doivent être nos mots d'ordre.

Signer des pétitions, s'engager dans des associations, faire entendre nos voix, que sais-je encore? Nous ne pouvons nous contenter de compter les morts.

Pouvons-nous décemment tolérer que la Méditéranée devienne un cimetière?

Non, pas de pire attitude que de laisser aller, laisser faire.

Osons la solidarité, honorons nos principes. Serrons-nous les coudes comme dans un sport d'équipe.

Europe, je compte sur toi: tous ces préjugés ne passeront pas par moi.

 

Et puis d'ailleurs, n'oublions-nous pas un peu vite que nos grands-parents fuyant le nazisme, eux aussi, étaient des migrants.

Eux aussi étaient des victimes de la barbarie.

Alors, qui sommes-nous pour les sermonner aujourd'hui?

Qui sommes-nous pour les mépriser? On nous a tendu la main, il n'y a pas si longtemps, le sort de ces réfugiés ne peut nous laisser indifférents!

Refuserons-nous de leur offrir un refuge ? Continuerons-nous encore longtemps à user de lamentables subterfuges? L'accueil nécessite-t-il vraiment toutes ces laborieuses procédures?

Ne sommes-nous pas, au final, le résultat d'un éternel brassage de cultures?

 

Voyons notre pays. N'est-il pas riche de toutes ses différences? Stromae dans le domaine du spectacle, Hadja Labib dans le domaine de l'information, et tous ces joueurs hors-pair issus de l'immigration, ne font-ils pas notre bonheur lorsqu'il s'agit du ballon rond?

Les considère-t-on aujourd'hui encore comme des étrangers? Ces personnalités ne font-elles pas notre fièrté?

Europe, ouvre ton cœur, vois le tragique destin de ces milliers de laissés-pour-compte, vois leur chagrin!

Aidons-les aujourd'hui, ils nous le rendront demain. D'ailleurs, pour être plus terre-à-terre, notre PIB, privé de l'immigration, serait, c'est bien simple, en complète récession!

Et au-delà des chiffres, les migrants ne nous font-ils pas bénéficier de leur culture, si riche, si diversifiée? On pourrait mentionner bien des témoignages: la littérature, la musique, la gastronomie, bref, tous ces "arts" ne se renouvellent-ils pas au contact d'autres "langages"?

Europe, il est temps de faire ton examen de conscience! N'en déplaise au "Jobbik" hongrois au danois "Folkparti", au F.N. En France! La Belgique n'est pas irréprochable non plus: qui se souvient encore de Tabitha, cette petite Congolaise de 5 ans, renvoyée à Kinshasa sans le moindre ménagement. La cour européenne des droits de l'Homme nous a condamnés pour notre manque d'humanité flagrant. Et puis, souvenons-nous aussi de la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur des charbonnages. Nous fêtions il y a peu les 50 ans de l'immigration turque et marocaine: quand le manque de main-d'œuvre se faisait ressentir, alors là, pas de problème! Ils ont dû travailler dur, et dans quelles conditions! Et bien souvent, en outre, sans grande considération!

Vraiment, il est grand temps de revoir notre copie: le rejet, c'est la mort, l'ouverture, la vie!

 

Mais parlons à présent de ce que nous connaissons le mieux: notre classe! Soit une belle représentation de cette diversité qui effraie tant:

Nous sommes Belges, bien sûr, mais nous venons aussi

de Guinée, du Maroc, d'Italie, de Serbie, d'Afghanistan, du Cameroun, de Turquie... De partout!

Le monde est un village, nous en sommes ses représentants!

Et tout ce petit monde s'estime au-delà des clichés, au mépris de clivages. Notre ADN est définitivement cosmopolite et notre foi en l'Homme est forte, il nous faut être solidaire et agir au plus vite! Tant de drames se jouent aujourd'hui à nos portes!

 

En classe, Sajad nous racontait récemment son arrivée en Belgique il y a sept ans et ce pénible périple depuis l'Afghanistan. Il nous a dit la peur, la menace des Talibans, l'insécurité, le règne de la terreur, et l'argent réclamé par de peu scrupuleux passeurs. Et puis les nombreuses escales en Iran, en Turquie, en Grèce, en Italie, en France et enfin en Belgique.

Moussa, quant à lui, nous a raconté l'Afrique: un autre parcours tout aussi chaotique, l'absence de sa mère durant plus de 3 ans, et puis la corruption gangrenant le continent...

Heureusement, aujourd'hui ils sont parmi nous, bien loin de la guerre et bien loin des fous. Leurs témoignages poignants nous ont ouvert les yeux sur le sort des migrants. Oui, ils sont parmi nous et nous en sommes heureux, mais quel sort sera réservé à tous ceux qui, loin de leur destination, végètent dans des camps, plutôt des prisons, à vrai dire, des centres à peine décents.

Quel sort l'Europe leur réservera-t-elle?

Agglutinés par milliers dans des zones de non-droit, seront-ils assez forts pour tenir le coup? Seront-ils assez courageux pour venir à bout de ce véritable parcours du combattant?

Petit Aylan, puisses-tu voir de là haut un avenir florissant pour tous ceux qui, comme toi, ont été jetés sur les rivages de ce monde trop souvent affligeant.

 

En conclusion, et par respect pour tous ces hommes, femmes et enfants, souhaitons que l'Europe honore ses engagements!

Par respect pour ces familles, souhaitons que tous ces stéréotypes trop souvent entendus ne nous servent plus d'alibis!

Par respect pour les plus démunis, souhaitons que nous ne soyons frappés d'une soudaine amnésie!

Par respect pour tous les migrants, souhaitons que l'on prenne en compte tous les aspects positifs de ces vastes mouvements!

Souhaitons enfin, qu'à l'instar de notre classe faite de ces multiples identités, l'Europe prenne conscience de la richesse de cette mixité.

Car, enfin, nous, Européens, nous sommes engagés à respecter les droits de l'homme. Pour toutes ces raisons, je le répète: Refugees, welcome!

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